Q Cela semble une tâche très ambitieuse. Quelle est l’importance de la prévention et comment allez-vous aborder ce thème ? La prévention sera une partie très importante de notre plan. 40 % des cancers peuvent être évités si on agit sur les habitudes individuelles : le tabac, l’alcool, la sédentarité. Il y a aussi la mauvaise alimentation, mais aussi les expositions environnementales et sociales. Nous devons travailler sur l’éducation, sur les formations, sur l’environnement. Ce type de prévention a été résumé dans le Code européen contre le cancer, produit par l’Agence internationale contre le cancer, avec laquelle nous travaillons en étroite collaboration. Le niveau européen est également requis pour optimiser de nombreux aspects du diagnostic et du traitement. Il existe de fortes disparités en matière de cancer, de détection précoce et de dépistage. Nous voyons que l’adhésion à un programme de prévention varie de six à quatre-vingt-dix pour cent en Europe. Nous devons donc vraiment travailler sur ces disparités. L’objectif est que 90 % des citoyens se voient proposer un programme de dépistage du cancer du sein, du côlon et de l’utérus sans oublier la vaccination, car pour lutter contre certains types de cancers, la vaccination des adolescents, et même des moins jeunes, est très importante.
Q Une partie essentielle de la prévention consiste à réduire les risques. Les politiques de réduction des risques étant un sujet très discuté, en particulier pour le tabac, quelle est votre opinion sur le vapotage et les produits de réduction des risques ? Mon avis et celui du Comité, je suppose, serait d’inclure ces nouveaux outils dans la directive tabac et de formuler des recommandations. Je suis d’accord qu’ils sont moins nocifs que le tabac, mais aussi qu’il faudrait d’abord nous assurer qu’ils ne présentent pas d’autres types de toxicités. Et ensuite, il faut s’assurer que les e-cigarettes n’entrainent pas des personnes qui ne fument pas vers le tabagisme. L’expertise est toujours en cours, mais nous ne pouvons plus ignorer ce type d’outils. Nous devons donc vraiment les inclure dans les outils législatifs. Q Ainsi, diriez-vous que vous êtes en faveur du vapotage comme une alternative à moindre risque du tabagisme ? Eh bien, vous savez, je ne suis pas une experte en la matière, mais je fais vraiment confiance aux experts spécialisés dans ce domaine qui affirment qu’il y a moins de nocivité comme vous venez de le dire. Néanmoins, nous devons vraiment être prudents quant aux autres potentiels effets secondaires. Ma position serait de poursuivre l’évaluation et d’inclure ces types de comportements des fumeurs dans nos textes législatifs. Q Pensez-vous que la pollution atmosphérique et les facteurs environnementaux sont parfois laissés à l’écart par rapport à d’autres éléments comme les modes de vie et la prévention ? Il est beaucoup plus facile de corréler une habitude individuelle avec l’apparition d’un cancer, que de corréler celui-ci avec une exposition environnementale difficile à mesurer. Je pense toutefois que notre manière de penser a changé, de sorte que le tabac, l’alcool, mais aussi la nutrition et l’exposition au soleil sont toujours largement pris en compte. Mais nous devrions aussi travailler sur d’autres facteurs. Ce n’est pas facile, mais ce sera plus facile si nous le faisons tous ensemble. Et bien sûr, la pollution étant capable de traverser les frontières, il y a un intérêt médical à travailler ensemble. Q Que pouvons-nous apprendre de la situation actuelle du Covid-19 en matière de traitement du cancer ? Les patients atteints de cancer ont souffert du report de certains traitements, notamment des interventions chirurgicales. Ils ont également souffert du dépistage ou diagnostic tardif et, comme beaucoup de personnes vulnérables, ils connaissent actuellement des problèmes psychologiques, ce qui signifie que la santé mentale est donc également concernée. Q Dans le même ordre d’idées, le plan Beca se penchera-t-il sur l’accès à la médecine et les pénuries de médicaments ? À l’initiative du Parlement, nous avons déjà rédigé un rapport, qui n’est donc pas un texte législatif mais contient des avis pour influencer la commission sur les pénuries. Et nous avons clairement identifié les médicaments contre le cancer comme des urgences dans la lutte contre les pénuries. Il faudra organiser un système de stockage. L’industrie devra changer sa façon de produire. Elle devra également créer des stocks et se préparer. Et nous réfléchissons à des incitations pour que les producteurs de substances actives reviennent en Europe, car comme vous le savez peut-être, 80 pourcent de ces produits très simples, mais indispensables, sont fabriqués en dehors de l’Europe, et il en va de même pour les vaccins. Donc, oui, nous allons travailler sur les pénuries et les médicaments contre le cancer seront probablement le premier type de traitement qui sera évalué et traité. Q Une dernière question concernant votre rapport. Vous avez mentionné que le comité BECA doit faire face à de nombreux problèmes. Si vous ne pouviez en choisir qu’un seul, quel serait votre choix primordial ? La recherche La pollution environnementale (par exemple la pollution de l’air La prévention et les choix de mode de vie L’accès et les traitements C’est un choix très difficile, mais je choisirais la recherche, parce qu’elle constitue un moyen de transfert pour traiter tous les autres problèmes. Il y a des études sur la qualité des soins, sur des habitudes individuelles, sur la pollution environnementale, etc. Je crois donc que je choisirais la recherche. Merci beaucoup, cet entretien a été très instructif. Merci Véronique Trillet-Lenoir de nous avoir rejoints. Merci à nos téléspectateurs et rendez-vous pour notre prochaine interview avec un autre membre du Comité BECA. Pour recevoir des informations actuelles sur les discussions relatives au plan européen contre le cancer, consultez notre section AskaEurope sur www.askanews.it